[Yubel] - La mort en mouvement.

             Courir encore et toujours. Jusqu'où et pendant combien de temps ? La suie et la crasse couvraient entièrement cette carnation fine et laiteuse. Et l'on croirait aisément que cette course à vive allure à travers les forêts l'écorcherait à maintes reprises. Les bottes humides et couvertes de déjections humaines, une odeur indicible. Puis finalement, un arrêt qui annonça une pause auprès d'un lac s'ensuivant de halètement répété. L'ogre était troublé, l'ogre était pourchassé. Il s'agissait de la dernière étape avant d'atteindre le sommet. Entre deux arbres, il s'extirpa totalement nu et poursuivit sa course jusqu'à apercevoir un point d'eau.
Le mont qui coupait les nuages et dont la cime était toujours veloutée d'un blanc aveuglant, lui faisant dés à présent face, séparé par une étendue aqueuse à la clarté stridente. Car la lune s'y reflétait et ses pupilles endoloris s'y voyaient hypnotisées sans une once de difficulté. Assoupi ? Peut-être, il était de toute façon assez célère pour semer ses ennemis pendant plusieurs heures. Mais pas éternellement. Les trois inspecteurs de classe spéciale marchaient paisiblement, ils étaient supériorité numérique et vu les blessures de la proie qu'ils traquaient. Ils n'avaient rien à craindre, l'expérience parlait pour eux et de plus, ils n'étaient même pas encore fatigués. S'engouffrant dans les bois sombres, couverts dans une odieuse pénombre, l'un marcha sur une brindille et alerta soudainement les deux autres. Ils n'avaient peut-être rien à craindre, mais cela ne voulait pas dire qu'ils n'étaient pas aux aguets. Le chef de file effectua un pas de plus et se tourna en direction de ses compagnons, d'un large mouvement d'épaule.


Il s'était fait un brin de toilette et patienta ici, des silhouettes pouvaient être discernées. Le CCG n'avait donc aucune pitié, et il le poursuivrait jusqu'aux tréfonds de la Terre si c'était le cas. Ryn était maintenant totalement nue, la poitrine à l'air libre et les genoux croisés. Il s'était en effet dévêtit de ses vêtements salis par ce qu'on peut trouver dans les égouts. J'oublierais les détails en votre respect.
Il se mordit les lèvres et se plaça sur ses quatre pattes. Une vive douleur à la nuque vint alors le frapper puis s'annonça alors, le noir complet. Pendant ce temps, dans l'un des locaux du CCG, un rassemblait se déroulait sous les yeux des inspecteurs de 3ème classes. Ils étaient, pour la plupart, placés en hauteur à se charger de la documentation. Que se passait-il ? C'était donc ça qui les attendait ?
Plusieurs dizaines d'hommes, étaient-ils une centaine ? Ces formations de suicidé rappellaient la bataille s'étant passée entre Aogiri et le CCG. Un homme imposant vint entrecouper les rangées de soldats et se prononça d'un timbre autoritaire.




Il marqua une pause puis dégluti, paupières fermées, il inspira ensuite avant de se prononcer à nouveau.




Il tourna soudainement les talons et tapa du pied droit. Au même moment, toutes les rangées effectuèrent un salut de masse.



Alors que les trois inspecteurs encerclaient la silhouette accroupie qui semblait devenir complètement au sol. Celle-ci se roula frénétiquement à plusieurs reprises, puis releva la tête en direction des inspecteurs. S'ensuivit une gigantesque explosion qui balaya les arbres aux alentours. Une puissante onde de choc qui avait plaqué les trois traqueurs au sol. Leurs corps étaient lourd et douloureux, l'un avait peut-être même les côtes cassées. Qu'est-ce qu'il s'était passé ici ? La jeune "femme" semblait pourtant à la merci de ses adversaires, puis sa chair se mit à se tordre dans un spectacle macabre et c'est là que la répulsion s'y mêla. Le dirigeant de l'escouade aida ses alliés à se mettre à nouveau debout, blessés où non, il n'irait pas bien loin. Le téléphone de ce dernier sonna d'ailleurs quelques secondes plus tard afin de l'alerter.







Répondit Gakun sur un ton affirmatif, il raccrocha ensuite et plaça à nouveau le portable dans l'une des poches de son manteau gris. L'un de ses équipiers s'agita alors et recula, comme effrayé par quelque chose.


Dit-il en pointant celui-ci de la main gauche, tremblotant. Une sinistre lueur écarlate y était, en effet, visible. Elle était immense, semblable à la lumière d'un phare. Gakun s'avança, il savait parfaitement que c'était sa proie, et n'avait toujours pas peur. C'était de la témérité ou de l'audace, avait-il un plan derrière la tête ? Alors qu'il fit un pas de trop sur les rives, une imposante créature bondit des eaux, déclenchant de puissantes vagues avant d'atterrir lourdement dans les bois, résultant plusieurs tremblements.


Les deux compagnons de Gakun finirent sonnés au sol tant cela était inattendu. Méritaient-ils vraiment ce rang ? Eux non, mais le troisième en revanche l'équivalait certainement. Les secousses ne l'avait même pas fait tituber, il avait planté sa quinque dans la terre humide afin de garder position et fixait la monstruosité haute de plusieurs mètres droit dans les yeux. Celle-ci esquissa un sourire carnassier et leva une de ses pattes l'envoyant en direction de son unique adversaire. Cependant, une rafale de balles en metal Q surgirent des buissons et dévièrent l'assaut de l'abomination.


La goule de feu secoua la tête, ses queues firent plusieurs mouvements en direction des eaux et lança de multiples jets d'eaux sur les troupes. Soudain, l'épiderme tout entier de la goule s'électrifia et elle ouvra sa gueule, dévoilant sa langue ignoble et ses rangées de dents. Les particules d'électrons vinrent se réunir dans sa bouche pendant plusieurs secondes tandis qu'elle attendait patiemment, les queues maintenant tendues et légèrement courbées.

hurla Gakun d'un geste armé de la main droite. Les régiments qui étaient sur place vidèrent la totalité des chargeurs dont ils disposaient, mais malgré les impacts répétées, la régénération de ce monstre semblait trop importante pour si peu de dégâts infligés.

Le grand-démon ferma alors sa cavité béante et l'ouvrit à nouveau, déversant un flot d'électricités sur ses adversaires déjà humidifiés auparavant. Une bonne partie perdit la vie sous le choc, les plus résistants furent lourdement blessés et sonnés pour plusieurs jours. Le monstre secoua la gueule à plusieurs reprises alors que son orbite semblait regarder les corps des soldats avec avidité. Elle semblait se battre contre elle-même, mais la faim finit par s'imposer et elle se délecta de la pourpre de ses adversaires. Cette immense créature était visible depuis les villages environnants, et il ne s'agissait pas de la première fois où l'on voyait sa silhouette luisante hanter le Bois aux Suicidés.
C'était d'après les rumeurs, le Démon d'Aokigahara. Un yokai venu de l'au-delà pour venger l'esprit des tourmentés, d'autres plus perspicaces diront que c'était la chouette elle-même. Mais qui voulait y croire ?

Depuis plusieurs minutes, elle persévérer à dévorer plusieurs corps en même temps, sa mâchoire brisait les os avec la plus grande facilité, et ne parlons même pas des quinques dont certains inspecteurs étaient pourvus. Soudain, le démon s'arrêta et fixa de son unique œil la forêt, puis gémissa. Il vint alors s'auto-mutiler en se déchirant lui même le faciès, hurlant à la mort. Ce cri d'effroi résonnait dans toute la forêt, et son kakuja finit enfin par s'extirper. Le corps nu et innocent de Yubel apparut alors et il ne restait des soldats et des inspecteurs, que des charognes mutilées. Le corps du chef de file avait étrangement disparu. Il payerait cette négligence plus tard, si il avait gardé en tête le visage de cette goule à l’appétit démesuré. Yubel tombant sur ses genoux et se mit à pleurer au milieu des corps, empoignant la terre mouillée par ses larmes.

"- Je-.. Je ne voulais pas faire ça... Vous m'avez forcé !" Il redressa son échine et se mit à s'acharner sur les crânes décortiqués des soldats, donnant plusieurs coups du bout du pied, il décrocha accidentellement le crâne dévoré du corps de l'une de ses victimes.

Après avoir finalement passé sa colère sur les corps qu'il avait précédemment exécutés massacrés, il s'enfonça au sein des bois en direction de Tokyo. Il était toujours nu et passer inaperçu dans cet accoutrement n'allait pas être si simple. Heureusement que ce bois était connu pour accueillir des croquemorts. Il s'agissait bien souvent de goules qui venaient ramasser les corps de ceux qui mettaient fin à leurs jours, les goules qui ne voulaient pas se résoudre à devenir des meurtriers en somme. Peut-être qu'il croiserait l'un d'entre eux en route assez compréhensif pour l'aider à se vêtir. Il conserver cette mine morne et le regard rivé sur le sol, comment était-il devenu ainsi ? Son passé semblait si lointain et pourtant, il arrivait à se ressasser certains événements en y mettant du sien.
   
C'était le fils d'une riche famille, les Maeda. Il avait un grand frère, Lunn c'était le nom qu'il portait. Son père était aux derniers souvenirs un humain, un investisseur assez connu sur le marché du travail et surtout à Tokyo. Cet homme avait des contacts dans le Monde entier et c'est ainsi qu'il rencontra Mercy Howlett, une anglaise qui l'avait charmé au premier regard. C'était une goule mondaine dont il connaissait parfaitement l'identité. Quand il se maria avec elle, il accepta comme fils Lunn qu'elle avait déjà eu avec un autre homme. Et ensembles ils eurent Ryn.

Ils vivaient aux frontières de l'Île du Japon et ce, dans un Manoir relativement imposant qui mêlait architecture japonaises et coutumes anglaises avec un habile savoir. Son père, Sohichiro, accepta de prendre les devants pour nourrir sa nouvelle famille. Il s'arrangea avec les relations qu'il avait avec les nombreuses morgues de Tokyo pour permettre le strict minimum à sa femme et ses enfants. Si il en demandait trop, cela attirerait certainement l'intérêt du CCG. Et ce n'est pour l'instant pas ce qu'il espérait afin de conserver un cadre de vie heureux.



Une vie de faste, connaissez vous ce ressenti ? L'étrange impression d'être le joyau inestimé d'un pays qui n'attend que vous. La noblesse n'est peut-être plus d'actualité mais les échelons subsistent et rare sont ceux qui peuvent prétendre avoir escaladé les marches de la classe sociale. C'est dans ce cocon de bourgeoisie qu'a donc vécu Ryn. Bien qu'ayant énoncé l'existence de son frère précedemment, je passerais les détails encore flous de son existence. Toujours est-il qu'il vivrait d'après les rumeurs à Tokyo selon Mercy. Pour en revenir à nos moutons, Ryn passait ses journées à l'intérieur de ce large domaine, il n'avait lui-même aucune idée de ce qu'il était. Les malaises étaient constants quand celui-ci se voyait attribuer une force supérieur à celle de son père alors qu'il n'était qu'un enfant. Mais sa mère essayait souvent de s'y interposer, à la voir on aurait dit une goule qui essayait d'être humaine. Elle voyait en son mari un grand sac de pièces d'or, ironique n'est-ce pas pour une goule ? On penserait que ces créatures ne sont attirées que par la bonne viande et pourtant, voilà une goule vénale. Pensait-elle à son premier enfant ? Et en ce qui concernait Ryn ? Dans son regard se percevait quelque chose d'illisible, comme si elle ne voyait pas les problèmes là où il y en avait. Aux alentours de l'âge de huit ans, Ryn fut autorisé sortir au-delà des jardins du grand manoir. Il descendait donc le long du petit sentier jusqu'à traverser une clairière et enfin apercevoir un bosquet. Il vit enfin pour la première fois la civilisation, et encore c'était vite dit. Ce village s'approchait plus d'une manufacture arboricole des années 1800 que d'une ville sous-jacente de Tokyo. Là-bas il fut interpellé par un groupe d'enfants d'environs son âge, certains d'entre eux se murmuraient des choses dont seul quelques mots arrivaient à souffler jusqu'à ses oreilles.

"- Eh tu vois, c'est le fils des Maeda. Ces pourceaux à tirelires !"

Derrière ces chuchotements grotesques, l'un d'entre-eux vint jusqu'à Ryn et lui dit cela :

"- Salut, cela te plairait de jouer avec nous ?" Il arborait un rictus narquois que l'innoncence et la naïveté de Ryn ne pouvait discerner qui répondit mollement d'une hochement de tête.

Ensembles, les enfants partirent dans la forêt et se rendirent même jusqu'à l'une des criques où les violentes vagues de l'océan venaient s'écraser. Alors que tous les enfants fixaient avec émerveillement ce spectacle au bord du ravin, trois du groupuscule qui l'avaient recruté se firent un regard. De concert, ils poussérent Ryn du haut de cette falaise, envoyant son destin au gré des rochers marins qui étaient pointus et abruptes. Du haut de cette jetée, le spectacle ne fut pas très beau mais amusa tout de même les jeunes adolescents. Vous n'aviez aucune idée de la haine que peuvent ressentir les petites gens face à ceux qui ont une cuillère en argent dans les mains.

Le nobliaux était donc en charpies sous les eaux, une belle tâche de sang illustrant même l'accident. Si foncée que le chlorure de sodium de l'océan n'y changerait rien.

Le dirigeant du groupe se résolu donc à venir annoncer la triste nouvelle à sa famille. Accompagné de ses amis, il suivit le sentier, puis traversa la clairière pour atteindre le domaine des Maeda. Là-bas il toqua puis s'annonça :

"- Euhm... Je suis Yekuda, un ami de Ryn ! J'ai une mauvaise nouvelle pour ses représentants ! Ehm.. Si je puis me permettre ; Ouvrez-moi !"

La grande porte s'ouvra enfin pour laisser apparaître avec stupeur la silhouette de Ryn. Il n'avait rien, et son regard trahit remplaçait à merveille ces airs d'innoncence. Il répondit séchement, animée d'une prétention viscérale.



"- Que fais tu ici, Yekuda ? Oublierais-tu que je suis un Maeda ?"

Devant l'apparition d'un tel revenant dont la pupille gauche était écarlate, les enfants prirent la fuite. Et Ryn devint rapidement incontrôlable. Car ce dernier retourna à nouveau aux alentours du village, mais cette fois ce n'était plus pour jouer. Il s'y rendait pour tuer, la faiblesse d'autrui l'amusait au plus haut point et il commençait même à défier l'autorité de son père à table. Finalement son grand frère rentra de Tokyo in-extremis lors d'une soirée où la tension était élevée. Lunn n'était pas totalement un Maeda car il était principalement le fils de Mercy. C'était une goule, et l'on reconnaissait effectivement les traits de sa mère. Ryn le trouvait particuliérement intéressa dans sa façon de voir les choses. La première chose qu'il prononça en arrivant au manoir fut :

"- Bordel ça empeste le chien empaillé ici, il y aurait de quoi manger ? La route ça creuse la panse."

C'était un type assez sûr de lui dans ses discours et Ryn le savait. Il continuait de le suivre du regard, même si celui-ci n'avait pas l'air de savoir qu'il avait à faire à son petit frère. Il lui accorda finalement l'attention qui l'espérait et lui demanda :

"- Hein, euh ... ? Tu veux quoi le playmobile là ? Retournes dans ta chambre."

L'enfant répondit simplement d'un direct du poing droit que Lunn arrêta sans difficultés. On pouvait entendre le bruit de la peau glissée entre les phalanges et la paume des deux frères. Le plus grand éclata de rire, puis repoussa Ryn sans difficultés.

"- Je crois rêver, regardez moi ça ! Un petit poussin qui veut faire le coq ! Tu veux que je te conduise au 13eme, on ira faire des trucs sympa mon p'tit pote, tu verras c'est dange-..."

Sa mère vint interrompre la discussion, accoutumée de sa plus belle robe de soirée et d'un regard narquois.

"- Lunn ça suffit, tu devrais laisser Ryn je crois et venir voir ton père et moi."

Il rigola vivement et caressa les cheveux de Ryn, un sourire carnassier décorait son visage alors qu'il continuer à frotter activement la chevelure de son petit frère immobile.

"- Allons allons, t'as pas confiance en moi ou quoi ? Lui et moi on discutait loisirs ! Pas vrai mon petit gars ?"

Il se retourna ensuite pour suivre Mercy dans le hall, laissant Ryn toujours immobile dans le couloir. Il se sentait perdu, survivre à une chute de plusieurs mètres lui avait fait penser qu'il était le plus fort au monde et était armé d'un don. Briser les os des gens perdus dans les alentours d'Hanamura. Il se croyait invincible et voilà que son frère surgit de nul part et bloque l'un de ses coups comme si c'était la caresse d'une pelluche. Il se retira dans sa chambre pour y réfléchir longuement, son comportement grotesque allait certainement avoir des répercussions tôt ou tard..
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